Avec NaCl, Google complète sa vision de l’informatique du futur

Source : Frédéric Cavazza

J’ai déjà eu plusieurs occasions de vous parler de l’évolution de l’outil informatique (La fin de l’ordinateur individuel est programmée et Quel va être l’impact de la fin de l’ordinateur individuel ?). Il y a de fortes chances pour que vous ne soyez pas particulièrement sensible à ces réflexions vu que l’ordinateur que vous avez en face de vous est grosso modo le même que celui que vous utilisez depuis plusieurs décennies : un écran, une souris, un clavier, un disque dur… c’est simplement sa puissance qui augmente régulièrement, de même que la taille de l’écran. Certes, avec la généralisation de l’internet au bureau et dans les foyers, les ordinateurs ont connu un second souffle, mais ils sont très clairement en fin de vie. L’avènement des tablettes est d’ailleurs un très bon indicateur du changement que nous sommes en train de vivre (13% des foyers sont équipés à fin 2012, un chiffre qui devrait quadrupler d’ici 2016).

Office = le boulet qui nous verrouille sur des outils informatiques du XXème siècle

Vous pourriez me dire que malgré les qualités indéniables des tablettes en tant que terminaux de consommation de contenus digitaux, elles ne remplacent pas un ordinateur, et vous auriez bien raison. Inutile donc de fantasmer sur le tout dernier iPad, car ce n’est résolument pas le digne remplaçant des ordinateurs traditionnels, surtout à près de 1.000 € ! Par contre, les Chromebooks de Google semblent être des candidats bien plus sérieux, d’autant plus qu’avec des prix ultra-compétitifs ils ont su séduire de nombreux nouveaux clients (Google announces that 2,000 schools now use Chromebooks, up 100% in three months). Là encore, vous pourriez me dire que ces machines ne concernent qu’une petite tranche de la population (les étudiants), et vous auriez également raison. J’ai effectivement lu d’innombrables avis sur ces fameux Chromebooks, qui sont présentés comme des alternatives terriblement efficaces aux ordinateurs traditionnels… mais qui ne peuvent pas les remplacer, car ils sont incapables de faire tourner le Pack Office.
Samsung-Chromebook
Somme-nous donc dans une impasse avec une population qui se segmentent en deux : d’un côté les jeunes qui vivent dans le cloud, et de l’autre les vieux dont le quotidien informatique est irrémédiablement ancré dans le siècle passé à cause de la suite bureautique de Microsoft ? Oui, et je n’ai pas peur de le dire : Microsoft s’est arrangé pour verrouiller le marché et empêcher les utilisateurs d’évoluer vers une nouvelle génération d’outils informatiques. Peut-on leur en vouloir ? Pas réellement, car ce type de verrouillage est le fond de commerce des acteurs de l’informatique (IBM, Adobe, Apple…). Donc is l’on récapitule : nous sommes bloqués avec des machines conçues au siècle dernier à cause de foutus fichiers bureautiques. Pour s’extraire de ce dictat, il faut beaucoup de volonté et de rigueur. Or, les Chromebooks ne donnent pas vraiment envie de faire ces efforts. Mais la situation vient de changer…

Pixel + QuickOffice = votre ticket de sortie vers l’outil informatique du XXIème siècle

En deux ans, le système d’exploitation de Google a beaucoup progressé (Avec Chrome OS, Google parie sur le CloudBook), mais il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Considérés par beaucoup comme l’offre low cost de Google, les Chromebooks sont en passe d’acquérir leur première lettre de noblesse avec le tout nouveau Pixel, véritable vitrine technologique de la gamme : The Chromebook Pixel, for what’s next.
Fenêtre externe
Si la machine est incontestablement une réussite en terme de design et de qualité de fabrication, elle pose néanmoins de grosses questions quant à son prix : pourquoi payer aussi cher pour un ordinateur qui ne peut pas faire tourner Excel ou Powerpoint ? Là encore, les avis sont homogènes : The Chromebook Pixel: A Beautiful Premium Laptop For Those Who Live In The Cloud (But Not For Anyone Else) et The Chromebook Pixel Is The Most Brilliant Laptop You’ll Never Buy. Traduction pour celles et ceux qui n’ont pas le temps de lire ces avis : ce tout nouveau Chromebook Pixel est une splendide réussite technologique, mais sommes-nous réellement prêts pour une machine qui repose exclusivement sur l’informatique dans les nuages ? (cf. Définition et usages du cloud computing).
Pixel
Nous en revenons donc encore et toujours à l’épineux problème des usages professionnels qui sont dominés par les fichiers bureautiques. Si les Chromebooks n’ont pas réussi à convaincre le monde de l’entreprise, c’est parce qu’il est impossible d’éditer un fichier bureautique dessus. Correction : “il ÉTAIT impossible“, car conscientes de ce problème, les équipes de Google avaient un plan. C’est donc là qu’intervient une annonce passée quasi inaperçue cette semaine : Google Ports Quickoffice To Chrome Using Native Client, Will Get Full Editing Features In About 3 Months. Il y a quelque mois, Google rachetait QuickOffice, une application d’édition de documents Office pour terminaux mobiles, application qui va être adaptée sous Native Client. Google est donc en train de finaliser une nouvelle version de QuickOffice qui va vous permettre de consulter et éditer des documents Office dans votre navigateur (traduction : le pack Office sur votre Chromebook).
QuickOffice Éditez vos fichiers Office sur vos smartphones et tablettes Le plus intéressant dans cette histoire, c’est que le portage de QuickOffice sous Chrome va se faire avec Native Client. Pour mémoire, il s’agit de la technologie de Google permettant de faire tourner des applications en code natif dans le navigateur, donc des performances en théories bien supérieures à ce que peuvent proposer les Office Web Apps, même sur des machines à moins de 300 € propulsées par des processeurs de famille ARM (cf. L’adoption de NativeClient passera par les jeux… et la bureautique).

Native Client = le pont entre deux paradigmes de l’outil informatique

Pour résumer ce qui a été expliqué plus haut, nous avons deux approches très différentes de l’outil informatique :
  • le paradigme du XXème siècle, avec des ordinateurs puissants mais coûteux sur lesquels sont stockées les applications et données ;
  • le paradigme du XXIème siècle, avec des ordinateurs aux ressources limitées et à bas prix, mais qui exploitent des capacités infinies de stockage et de calcul dans les nuages.
La promesse de Google est donc de vous faire profiter de ces deux paradigmes : des ordinateurs “légers” qui exploitent les infrastructures distribuées (donc toute la puissance de l’informatique dans les nuages) et qui vous permettent de travailler sur des formats de fichier du siècle dernier, le tout avec une interface tactile et une machine aussi belle qu’un MacBook. C’est donc un coup de maître de la part de Google qui, avec Native Client, parvient à réunir tous les ingrédients nécessaires à la complétion de sa vision de l’informatique du futur :
  • Des terminaux maîtrisés au niveau hardware et software (les gammes Nexus et Chromebook) ;
  • Une architecture technique distribuée pour déployer ses offres BtoC et BtoB (Google Drive, Google Apps, Google App Engine…) ;
  • Un circuit de distribution intégré (Google Apps Marketplace, Google Play Apps Store) ;
  • Une interface et des applications de consultation / édition / création (Chrome, Chrome OS, QuickOffice).
La chaine est donc maintenant quasi-complète, QuickOffice et Native Client étant les derniers maillons de la chaîne. Je suis persuadé que la prochaine grand-messe annuelle de Google en mai prochain sera l’occasion pour eux de dévoiler leur plan d’ensemble. N’allez pas penser que je suis partisan, je suis simplement enthousiaste à l’idée de voir enfin évoluer cet outil informatique d’entreprise que nous subissons depuis des décennies. Cette nouvelle approche de l’outil informatique proposé, entre autres, par Google me semble tout à fait correspondre aux attentes des utilisateurs en terme de praticité, pérennité, mobilité, collaboration… Reste maintenant à convaincre les DSI, qui seront aux premières loges de ce changement de paradigme.

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